Alicia n’arrête pas de sourire. Aladin fait des blagues et rit joyeux. Ils ont une énergie que personne dirait que cela fait à peine dix jours qu’ils sont papas. Amelia dort paisiblement à côté tandis que ses parents parlent avec Salam Plan dans une cafétéria de Madrid une froide matinée de janvier. Ils ont voulu partager leur histoire d’amour pour la Saint Valentin.
>>> Suivez Salam Plan -du journalisme contre la haine- sur les réseaux sociaux : Twitter et Facebook . Et trouvez plus de contenu en espagnol ou anglais! <<<
Ils sont à la capitale espagnole seulement de passage, à cause de la naissance de la petite, parce que la famille d’ Alicia vit là. Mais leur maison est au Luxembourg, où les deux travaillent dans le secteur financier. Quand ils se sont rencontrés, ont-ils pensé qu’ils allaient finir ainsi : mariés, avec une fille et habitant au Grand-Duché ?, demande la journaliste. Le jeune couple échange un regard et rit. Leur histoire a commencé par un vrai coup de foudre. Ils avaient eu l’intention de rester au Maroc, où ils se sont rencontrés et d’où Aladin est originaire.
Alicia est de Madrid et était à Casablanca (Maroc) en train de terminer un mastère en banque et marchés financiers qu’elle a étudié au royaume alaouite. Sa professeur Maite l’a appelée un jour et lui a demandé si elle avait quelque chose à faire, se souvient Alicia. Heureusement, elle était libre, car sinon elle n’aurait pas pu aller au dîner que la professeur avait organisé ce jour-là avec plusieurs anciens élèves et elle n’aurait pas rencontré Aladin.
La professeur d’Alicia l’a appelée un jour et lui a demandé si elle avait quelque chose à faire. Heureusement, elle était libre, car sinon elle n’aurait pas rencontré Aladin
Il était étudiant de la première promotion de ce mastère qu’elle acheverait six ans plus tard. Dès qu’ils ont fait connaissance, ils se sont plu. Il a été touché par le sourire d’Alicia… et par son accent en parlant le français, la langue qu’ils partagent à la maison maintenant. Elle a été fascinée par la sérénité et la maturité de ce jeune homme qui l’a bien conseillée quand elle était perdue quant aux choix pour un stage qu’elle devait faire. « Je lui ai conseillé de rester au Maroc », rit Aladin. Il a demandé son numéro de téléphone à Alice et ils ont commencé à se voir régulièrement.
Presque quatre ans après, ils continuent à rire tout le temps, complices. Alicia López a 29 ans maintenant et Aladin Bennouna 34 ans. Elle est catholique, il est musulman.
Lorsqu’ils ont commencé à se connaître, Alicia se souvient qu’elle « aimait demander » des choses sur l’islam, car elle n’était pas une « experte » de la religion de son partenaire et ne faisait pas confiance aux choses qu’elle trouvait dans internet.
Il a été touché par le sourire d’Alicia… et par son accent en parlant le français. Elle a été fascinée par la sérénité et la maturité d’Aladin, qui l’a bien conseillée quand elle était perdue
« Nous avons aussi progressivement appris à nous connaître dans cet aspect. Ce sont des religions qui peuvent être complémentaires, qui ont des points de convergence. J’ai réalisé que ce qui était important c’était mes sentiments envers Aladin, les valeurs qu’il a et qui sont très similaires aux miennes. Pour être ensemble, si Dieu le veut, toute notre vie, on doit trouver son âme sœur et, voilà, c’est précisément avec une personne d’une autre religion, d’un autre pays, mais (je suis) enchantée », dit-elle.
« Respecter les parents et la famille », solidarité, ne pas mentir, croire en un Dieu créateur et protecteur… figurent parmi les valeurs que les deux citent comme un lien d’union. Ils partagent également des choses plus banales, bien sûr. Ils adorent « le petit caprice » de temps en temps d’aller manger dans un bon restaurant et voyager ensemble. Ils recommandent le Pérou et le Chili, les destinations de leur lune de miel.
« J’ai réalisé que ce qui était important c’était mes sentiments envers Aladin, les valeurs qu’il a et qui sont très similaires aux miennes » — Alicia
« Je ne vais pas te changer. Je ne vais pas te forcer à changer de religion, ce n’est pas non plus l’islam » — Aladin
Aladin n’a eu aucun doute lié à la différence de religion. « Non, parce que je ne vais pas te changer. Je ne vais pas te forcer à changer de religion, ce n’est pas non plus l’ islam », explique-t-il. « Je respecte beaucoup sa religion, quand elle prie à la maison ou va à l’église, je l’accompagne et il n’y a pas de problème ». À la maison ils prient séparément et Aladin aime voir sa femme « proche de Dieu ».
La demande en mariage a été traditionnelle, en présence des deux familles. « L’effet de surprise est venu auparavant, quand il m’a demandé ‘quelle alliance aimes-tu le plus ?’ », rit Alicia. Le fait qu’ils savaient déjà pourquoi ils allaient se rencontrer à ce moment-là n’a pas réduit l’émotion du moment : « Aladin a prononcé un discours et nous a fait tous pleurer », se souvient sa femme. Et cela, en dépit du fait qu’il a improvisé !
Rencontre des cultures au mariage d’ Alicia et Aladin. Photos cédées
Alicia dit que ses parents lui ont toujours donné l’indépendance de prendre ses propres décisions et qu’ils n’ont posé aucun problème. « Mes parents ont habité longtemps aux pays arabes. Mon père (aussi) était destiné (en tant que diplomate) en Mauritanie, au Sénégal, au Maroc … Je pense que cela contribue beaucoup à l’ouverture d’esprit « , dit-elle.
Les parents d’Aladin ont également aimé la décision. « Et oui, écoutez : il y a une différence de religion, mais dans notre religion, vous pouvez épouser une femme qui croit en une ‘religion du ciel’, qui n’est ni athée ni bouddhiste … Parce que dans la religion musulmane, il faut aussi croire [d’une certaine façon] dans d’autres religions », explique-t-il.
« L’erreur est de mêler politique et religion. Et bien sûr, on doit s’adapter aux lois du pays. Ces lois ne devraient pas non plus favoriser une religion par rapport à une autre »
— Aladin
Ils se sont mariés en 2017. Le mariage civil a eu lieu en Espagne, et la partie la plus festive s’est déroulée au Maroc, partageant « la richesse de la culture marocaine » avec les invités, dit Alicia.
Elle croit que les discours de certains partis d’extrême droite comme l’espagnol Vox sont principalement dus à ce qu’elle voit comme un « climat d’instabilité » dans les régions frontalières du Maroc et de l’Espagne, à cause de ce qu’elle considère une mauvaise gestion de l’immigration clandestine.
« L’erreur est de mêler politique et religion. Et bien sûr, on doit s’adapter aux lois du pays. Ces lois ne devraient pas non plus favoriser une religion par rapport à une autre », suggère Aladin.
Quand sa petite fille dort, il aime de lui parler de politique, car il admet qu’il ne chante pas bien. « Je lui dis : ‘de quoi tu veux parler’? Du Brexit? », il rit avec brio. « Parfois, elle n’aime pas ça et on change de sujet », continue-t-il à rire. Il laisse les berceuses pour la mère.
« Amelia est musulmane. Elle va grandir dans un environnement où personne ne dira : ‘Ça, ce n’est pas comme ça’, ce sera une ambiance de respect et de compréhension des deux religions »
— Alicia
La petite Amelia est musulmane, comme ses parents avaient déjà convenu lorsqu’ils ont décidé de fonder une famille. Mais Noël et la Fête du Sacrifice seront également célébrés chez eux, car ce sont les traditions et la culture de ses grands-parents, explique sa mère. « Elle va grandir dans un environnement international, où personne ne dira : ‘Ça, ce n’est pas comme ça’, ce sera une ambiance de respect et de compréhension des deux religions », dit Alicia.
Amelia ne s’est pas réveillée pendant tout l’entretien, ni lorsque ses parents l’ont prise dans ses bras pour prendre une photo. Elle reste calme, soignée par ses parents, qui l’adorent.
>>> Suivez Salam Plan -du journalisme contre la haine- sur les réseaux sociaux : Twitter et Facebook . Et trouvez plus de contenu en espagnol ou anglais! <<<
Alicia et Aladin se promènent par Madrid avec Amelia. © Salam Plan